Deux idées simples d’Expo 67… qui perdurent dans les Expositions universelles

L’Expo 67 à Montréal s’est souvent résumé en chiffres : plus de 50 millions de visiteurs, 61 pays participants et six mois d’effervescence. Mais au-delà de l’événement spectaculaire, deux petites idées nées à Montréal ont discrètement façonné l’expérience des expositions universelles à venir. Des idées simples, mais brillantes : le passeport à étampes… et le mot « Expo » lui-même.

Le passeport à visa : voyager pavillon par pavillon

À Expo 67, le billet d’entrée prenait la forme d’un passeport avec photo pour celles et ceux ayant opté pour un laissez-passer saisonnier ou de 7 jours. À chaque pavillon visité, les visiteurs pouvaient y faire apposer un tampon personnalisé, souvent conçu par le pays hôte lui-même.

Rapidement, ce geste est devenu un rituel. Collectionner les tampons, remplir chaque page de son passeport, c’était un peu faire le tour du monde sans quitter le site de l’Expo. Ce souvenir tangible, aussi symbolique que ludique, a marqué des générations de visiteurs. Certains tampons sont devenus de véritables trophées parmi les collectionneurs. 

Le plus rare de tous ? Celui de Saint-Christophe–Niévès–Anguilla, apposé le 3 août 1967 seulement, lors d’une présence aussi officielle qu’éphémère sur le site d’Expo 67. Grâce à l’appui d’Air Canada — qui desservait Anguilla — et à l’autorisation du commissaire général Pierre Dupuy, le territoire caribéen a pu tenir un mini-pavillon d’un jour (disons plutôt un kiosque) à l’entrée du pavillon d’Air Canada.

Toute la journée, Mlle Barbara Walton, représentante de la délégation, a accueilli les visiteurs et apposé le visa le plus rare de toute l’Expo. Une présence furtive mais bien réelle, qui ajoute un cachet mythique aux passeports de 1967.

La presse, 4 août 1967, Pages corrigées

Le concept a fait des émules. Dès l’Expo 70 à Osaka, puis dans presque toutes les expositions suivantes incluant celle de 2025, le passeport à étampes devient une tradition incontournable. Aujourd’hui encore, il reste un élément central de l’expérience.

La marque « Expo » : de surnom à nom officiel

Avant Montréal, on parlait plutôt d’«expositions universelles» ou de «foires internationales», comme à Bruxelles en 1958 — parfois surnommée «Expo 58» par les médias, mais jamais de façon officielle. Le Bureau international des expositions (BIE), lui, continuait d’utiliser une nomenclature très formelle.

C’est à Montréal, avec l’Exposition universelle et internationale de 1967, que le mot «Expo» devient un titre pleinement assumé et officiel. Expo 67, un mot court et un nombre, un choc graphique :  facile à retenir et moderne. Ce choix n’était pas anodin — ni unanimement accueilli.

Dès les premières campagnes de promotion, le mot «Expo» suscite des réticences, surtout du côté canadien anglophone. Certains milieux préféraient utiliser le terme complet «Exposition universelle et internationale» pour respecter les conventions, ou encore parler simplement de «Exposition universelle». D’autres trouvaient le mot «Expo» trop associé au français, et qu’il ne veuille rien dire en anglais.

« J’ai mené une bataille de trois ans avec la Gazette et le Montreal Star, qui faisaient pression pour qu’on abandonne “Expo” au profit de “Montréal’s World Fair”. Les journalistes anglophones disaient que “Expo” sonnait comme une nouvelle marque de cigarettes et ne transmettait pas la gravité d’une Exposition universelle. »

Mais les francophones — et particulièrement l’équipe de Pierre Dupuy, commissaire général de l’Expo — défendent l’usage d’un mot simple, accrocheur, neutre et identitaire. «Expo» devient rapidement un compromis linguistique efficace : un mot que tout le monde peut s’approprier. Il est adopté dans les visuels, la publicité, les billets, les transports… partout.

Devant un tel succès, l’Exposition universelle d’Osaka adopte officiellement en 1970 le nom abrégé « Expo 70 », avec l’aval du BIE. Si la forme longue demeure officielle sur le plan protocolaire, aucune exposition ultérieure n’est toutefois revenue à l’ancienne appellation dans ses communications courantes. «Expo» est devenue une marque mondiale, née — ou du moins consacré — à Montréal.

Comme quoi, une petite décision de communication peut changer la langue… et l’histoire.

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