Nous sommes une grande nation d’Expositions universelles. Montréal 1967 et Vancouver 1986 ont façonné notre imaginaire collectif, accéléré des projets utiles et montré au monde un Canada ouvert, créatif, capable d’accueillir. Aujourd’hui, jour de clôture de l’Expo universelle et internationale d’Osaka 2025, il faut tirer une leçon simple : oui, le Canada était présent avec un pavillon, mais il demeure non-membre du Bureau international des expositions (BIE), l’organisation qui fixe les règles du jeu et regroupe 184 pays. Autrement dit, nous applaudissons depuis la salle, sans siéger à la table. Réintégrer le BIE serait un geste à faible coût et à fort rendement pour notre diplomatie, notre économie et notre récit national.
Retrouver une voix et exercer notre soft power
L’influence d’un pays ne se résume pas à des budgets ou à des sanctions. Elle se mesure à sa capacité d’attirer, de convaincre et de proposer des solutions concrètes, crédibles et attrayantes. C’est cela, le soft power. Les Expos sont l’une des plus grandes scènes non conflictuelles pour le déployer : elles mobilisent dialogue, culture, savoir-faire, idées et expérimentations. Sans siège au BIE, nous ne pesons pas sur les choix qui orientent les prochaines Expos : choix des villes hôtes, thèmes, calendriers et critères d’évaluation. Tant que nous ne sommes pas membres, nous nous privons d’un droit de vote, d’un pouvoir d’initiative et d’alliances structurantes pour nos créateurs, nos artistes, nos universités, nos villes et nos entreprises. Tant que le Canada demeure en marge du BIE, aucune ville canadienne ne peut déposer sa candidature pour une future Expo.
Tenir notre rang de grande nation d’Expos
Nous avons l’expérience, le talent et l’héritage pour contribuer utilement. L’Expo 67 a accueilli à Montréal plus de 50 millions de visiteurs en six mois et a su marquer durablement notre modernité culturelle et urbaine. Vancouver 1986 a attiré plus de 20 millions de visiteurs et a redessiné le regard international sur l’Ouest canadien. Les Expos d’aujourd’hui ne sont pas des vitrines de gadgets. Ce sont des laboratoires vivants qui testent des réponses aux enjeux contemporains : climat et adaptation, matérialité, villes sobres en ressources, santé, culture numérique et inclusion. Le Canada a des atouts crédibles dans ces domaines. Les mettre à l’avant-plan exige de siéger là où s’articulent les programmes et les politiques, pas seulement d’installer un pavillon le moment venu.
Un investissement minime pour un levier majeur
Dans un contexte de coupes budgétaires, Ottawa décide en 2012 de se retirer du BIE pour économiser une cotisation modeste, à savoir 25 000$. La conséquence est que nous sommes aujourd’hui le seul pays du G7 à ne pas y siéger. Cette économie de bouts de chandelle a un coût stratégique : sans siège au BIE, nous ne pouvons pas peser sur les choix qui orientent les prochaines Expos. Il est vrai que dans un contexte financier contraint, chaque dollar compte. Et justement : la réadhésion au BIE coûte peu, surtout au regard des leviers qu’elle peut débloquer. On parle d’une contribution institutionnelle qui donne accès à un réseau décisionnel, à une voix et à un vote et à des comités où s’élaborent des collaborations concrètes. On ne parle pas ici d’une dépense de prestige : c’est un outil de politique publique qui relie diplomatie, commerce, culture, tourisme et innovation. Être membre de plein droit, c’est pouvoir défendre des thèmes porteurs pour le Canada, c’est arrimer notre écosystème à des priorités claires, multiplier des partenariats qui ne naissent que là où les décideurs se rencontrent régulièrement.
Pourquoi maintenant ?
Parce que la clôture de l’Expo 2025 nous rappelle ce que nous perdons en restant au seuil. Pendant 184 jours, États, régions, villes, entreprises, chercheurs et visiteurs ont croisé leurs idées, présenté des prototypes, scellé des ententes. Ceux qui étaient membres se projettent déjà vers la suite, avec un carnet d’adresses enrichi et des priorités partagées. Nous, nous rentrons chez nous avec de belles images et des cartes d’affaires, sans capitaliser pleinement. Il est temps d’aligner notre présence sur nos ambitions.
Au lendemain d’Osaka, réintégrer le BIE enverrait un signal simple et fort : le Canada veut de nouveau imaginer, bâtir et rassembler. Nous avons déjà su accueillir le monde et en tirer un héritage durable. Nous pouvons, au minimum, contribuer à définir la manière dont il se réunit. Pour cela, il faut d’abord revenir à la table. Rejoignons le BIE.
Ressource connexe : • La Presse, Joël-Denis Bellavance, « Expositions universelles : Le Canada renonce à accueillir la planète »
